Les Cours de Russe.
Prendre des cours de
russe se révèle être une expérience très
particulière. Qu’est ce que cela avait dû être long et difficile d’apprendre à
lire et écrire sur les bancs du CP. C’est un peu _Retour vers le futur_, on se
retrouve face aux mêmes difficultés que lorsque l’on avait 6 ans. Tout devient
épreuve.
Cela faisait longtemps que je
n’avais pas pris ma respiration comme ça avant de lire une ligne. Trois petits
exercices de conjugaison redeviennent un cauchemar. Il nous faut la matinée
pour recopier un texte. Mais bon, on sait lire et écrire maintenant. On fait
partie des grands. Pour ce qui est de comprendre et de parler, c’est une autre
paire de manche, j’en conviens…
Au bout de deux semaines on
est quand même capable d’arrêter les voitures sur la route et de négocier les
tarifs pour rentrer à la résidence, tout ça en russe, pas si mal vous avouerez.
Notre « Maicress » s’appelle
Eliena Alexandrova Bourskaya. Elle est de la trempe des professeurs qui sont
parvenus à enseigner le russe à des Mongoles de Gobie qui ne parlaient pas un
mot et ne savaient pas tenir un crayon. Tout cela grâce aux bonnes vieilles
méthodes d’apprentissage soviétique. Et n’hésitons pas à dire que dans la
classe elle tient une belle brochette de mongoliens là aussi. Entre Antoine toujours
à la bourre, Julien qui fait son petit fayot, Steeve qui ne peut pas s’empêcher
de raconter des conneries même s’il n’a pour ça que 2 mots de vocabulaire,
Christian qui s’occupe plus de son portable que du tableau, Markus qui préfère rester
dormir chez lui, Christopher qui se fait chier en cours et moi qui suis à coté
de la plaque, autant dire que ses talents sont mis à rude épreuve.
D’un naturel cyclothymique,
elle alterne entre l’euphorie la plus totale quand on réussit à prononcer une
phrase sans fautes (« Excellent, mes garçons vous avez beaucoup de talent. »),
des colères surprenantes (« Je vais te tuer, tu le sais que O se prononce
A quand il n’est pas accentué. »), et le désespoir des causes perdues (« Mais
vous ne retenez jamais rien. Ca, je vous l’ai déjà expliqué. » -Tu
m’étonnes à la vitesse à laquelle tu avances.). Elle nous aime, elle nous
déteste, elle nous adore, elle s’indiffère et tout ça dans l’espace d’une
heure. On ne peut pas dire que l’on s’ennuie avec elle.
Cette prof prend vraiment
sont boulot à cœur. Tout les jours, elle passe dans les rangs vérifier que les
devoirs du soirs sont bien fait, ce qui est amusant et énervant à la fois. On
ne nous l’avait plus fait depuis le collège. Elle nous parle toujours comme à
des gamins et forcément on fini par rentrer dans une phase de régression, et
peut-être pire.
Les cours de russe sont
expliqués en anglais, ce qui provoque quelques quiproquos. Par
exemple : « Dobridien malchiken. » = Bonjour mes garçons.
Bon ma poule, ça ne me dérange pas que tu m’appelles my chicken, mais il
faudrait quand même que tu m’expliques un jour…
Il ne nous faut pas
grand-chose pour nous amuser non plus. On est toujours en train de nous
chambrer les uns les autres. Il y a quelques jours encore, nous faisions des
exercices sur les adjectifs qualificatifs et notre prépodavatel nous demande
comment nous trouvons la façon de parler d’Antoine. L’occasion était trop
belle, il s’en est pris plein la gueule jusqu’à la fin du cours. « Eta nié
pravilna, Antoine. Eta plora. » A tel point qu’à la fin du cours, elle
vient le voir, lui qui est évidemment le dernier à sortir de la salle, pour
savoir si il arrive à s’intégrer au groupe. « Est-ce que tu manges tout
seul le midi ? –Ben, non avec les autres !?! » Il nous a raconté
ça, il était mort de rire.
Ce qui est ennuyeux dans l’affaire,
c’est que les cours sont souvent le lendemain des soirées étudiantes. Aussi c’est
à ne plus savoir qui du russe ou de la soirée de la veille nous fatigue le plus,
au point d’avoir la tête qui surchauffe.